Transposition de la directive européenne « restructuration et insolvabilité »

Nov, 2021 | Entreprises en dif­fi­cul­té — Procédures collectives

Après les dif­fé­rentes mesures prises depuis le début de la crise sani­taire qui ont retar­dé une vague redou­tée de faillites com­mer­ciales, le droit des pro­cé­dures col­lec­tives est à nou­veau réfor­mé par l’ordonnance n°2021–1193 du 15 sep­tembre 2021 et son décret d’application n°2021–1218 du 23 sep­tembre 2021.

L’objectif de cette réforme est prin­ci­pa­le­ment de trans­po­ser la direc­tive euro­péenne 2019/1023 du 20 juin 2019 sur la restruc­tu­ra­tion et l’insolvabilité. L’accent est mis ici sur la prin­ci­pale mesure inno­vante inter­ve­nant au stade d’adoption du plan, à savoir l’instauration de « classes de par­ties affec­tées » (1.) à côté d’autres nou­velles mesures. (2.)

1. L’instauration de “classes de parties affectées”

Les classes de par­ties affec­tées rem­placent les comi­tés de créan­ciers qui ras­sem­blaient les créan­ciers finan­ciers ou four­nis­seurs sans cri­tères éco­no­miques pour leur répar­ti­tion et pour la déter­mi­na­tion des droits de vote de chacun.

Les par­ties affec­tées sont les créan­ciers ou déten­teurs de capi­tal dont les droits ou créances anté­rieurs à l’ouverture de la pro­cé­dure seront affec­tés par le plan pro­po­sé par le débi­teur. Elles sont répar­ties par classes par l’administrateur judi­ciaire en fonc­tion de leurs com­mu­nau­tés d’intérêts éco­no­miques (pri­vi­lé­giés, chi­ro­gra­phaires, degré de subor­di­na­tion, déten­tion de capi­tal etc…), en res­pec­tant les cri­tères obli­ga­toires suivants :

  • Les créan­ciers garan­tis par une sûre­té réelle forment sys­té­ma­ti­que­ment une classe dis­tincte. Il en est de même pour les déten­teurs de capital.
  • Les accords de subor­di­na­tion régu­liè­re­ment oppo­sables doivent être pris en consi­dé­ra­tion dans la répartition.

NB : sont exclues les créances résul­tant d’un contrat de tra­vail, d’un régime de retraite pro­fes­sion­nelle et les créances ali­men­taires, car elles ne sont pas affec­tées par le plan.

En sau­ve­garde ou redres­se­ment judi­ciaire, les classes de par­ties affec­tées sont obli­ga­toires pour les socié­tés qui fran­chis­se­ment cer­tains seuils et pour les socié­tés mères dont l’ensemble des socié­tés atteignent ces seuils (250 sala­riés et 20 mil­lions d’eu­ros de chiffre d’af­faires net à la date de la demande ou 40 mil­lions d’eu­ros de chiffre d’af­faires net). En deçà de ces seuils, elles sont facul­ta­tives et sou­mises à l’autorisation du juge-commissaire. En revanche elles sont obli­ga­toires en sau­ve­garde accé­lé­rée, quelle que soit la taille de l’entreprise débitrice.

Par prin­cipe le plan est adop­té par le tri­bu­nal dès lors que celui-ci a recueilli un vote favo­rable dans cha­cune des classes consti­tuées, la majo­ri­té étant fixée aux 2/3 des voix déte­nues par les membres ayant expri­mé un vote au sein de la classe.

Mais l’innovation majeure de la réforme est l’application for­cée inter­classes, non­obs­tant le rejet du plan par une ou plu­sieurs classes, notam­ment lorsque :

  • Le plan a été adop­té par une majo­ri­té de classes dont au moins une classe de créan­ciers privilégiés.
  • A défaut, le plan a été approu­vé par au moins une classe autre que celles des déten­teurs de capi­tal ou des créan­ciers qui n’auraient eu droit à aucun paie­ment en cas de répar­ti­tion en liqui­da­tion judi­ciaire ou de cession.

Il s’agit d’un apport majeur qui per­met désor­mais de remé­dier au vote néga­tif d’un seul comi­té qui empê­chait aupa­ra­vant d’arrêter un plan.

 2. Autres nouvelles mesures

  • Suppression de la sau­ve­garde finan­cière accé­lé­rée (SFA) et fusion avec la sau­ve­garde accé­lé­rée : cette pro­cé­dure est ouverte aux entre­prises dont les comptes sont éta­blis par un expert-comptable ou cer­ti­fiés par un com­mis­saire aux comptes. Elle doit néces­sai­re­ment être pré­cé­dée par une conci­lia­tion et sa durée maxi­male est réduite de 6 à 4 mois.
  • Réduction de la durée maxi­male de la période d’observation en pro­cé­dure de sau­ve­garde de 18 à 12 mois (le délai maxi­mal de 18 mois étant main­te­nu en redressement).
  • Etablissement sim­pli­fié du pas­sif : en sau­ve­garde ou redres­se­ment, il est désor­mais pos­sible de se baser sur l’attestation de l’expert-comptable ou du com­mis­saire aux comptes, sans attendre le terme de la véri­fi­ca­tion des créances, pour les créances décla­rées admises et non contes­tées et pour les créances identifiables.
  • Maintien, lors d’une pro­cé­dure col­lec­tive, des sûre­tés octroyées en conci­lia­tion : cela per­met de pri­ver d’effet la juris­pru­dence récente et cri­ti­quable de la Cour de cas­sa­tion qui avait jugé que les sûre­tés octroyées dans le cadre d’une conci­lia­tion préa­lable étaient frap­pées de cadu­ci­té par l’effet de l’ouverture d’une pro­cé­dure collective.
  • Renforcement de la pro­tec­tion des cau­tions et garants : ces der­niers peuvent décla­rer par « anti­ci­pa­tion » la créance de recours avant d’avoir payé. En outre, ils ne peuvent se voir oppo­ser l’état des créances dès lors que la déci­sion d’admission de la créance prin­ci­pale ne leur a pas été noti­fiée. Ils peuvent éga­le­ment se pré­va­loir des dis­po­si­tions du plan de redres­se­ment en cours d’exécution.
  • Possibilité pour le débi­teur de garan­tir une créance pos­té­rieure : il s’agit là d’une nou­velle excep­tion à l’interdiction du paie­ment des créances anté­rieures à l’ouverture d’une pro­cé­dure collective.
  • Plans de rem­bour­se­ment : obli­ga­tion d’une annui­té mini­male de 10% à comp­ter de la sixième année. Établissement des enga­ge­ments de règle­ment du plan sur la base d’un pas­sif « vrai­sem­blable », incluant des créances sim­ple­ment iden­ti­fiables dont le délai de décla­ra­tion n’est pas expiré.

La réforme opé­rée par l’ordonnance n°2021–1193 du 15 sep­tembre 2021 n’apporte, en défi­ni­tive, pas de grands bou­le­ver­se­ments dans le droit des entre­prises en dif­fi­cul­té. Elle tend sur­tout à accé­lé­rer les pro­cé­dures col­lec­tives et à en ren­for­cer l’efficacité.

La mesure la plus inno­vante réside dans l’instauration des classes de par­ties affec­tées et l’application for­cée inter­classes, non­obs­tant le rejet du plan par une ou plu­sieurs classes, afin de réduire les situa­tions de blo­cage par un groupe de créan­ciers mino­ri­taires, lors de l’adoption d’un plan. Toutefois son champ d’application reste limi­té et doit être adap­té au cas par cas dans le cadre d’une consul­ta­tion personnalisée.

Cette réforme a éga­le­ment péren­ni­sé dans le code de com­merce cer­taines règles prises en ver­tu de l’ordonnance n°2020–596 du 20 mai 2020 (droit d’alerte ren­for­cé, pou­voir accru du pré­sident du tri­bu­nal, appli­ca­tion du délai de grâce en conci­lia­tion, sup­pres­sion des seuils pour l’ouverture d’une sau­ve­garde accé­lé­rée, pri­vi­lège de post money en sau­ve­garde et redres­se­ment, silence des créan­ciers valant accep­ta­tion d’une modi­fi­ca­tion sub­stan­tielle du plan (voir Kit de sur­vie Covid-19 : outils pour entre­prises en dif­fi­cul­té et pro­cé­dures col­lec­tives et Nouveaux outils pour entre­prises en dif­fi­cul­té et pro­cé­dures col­lec­tives).

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