Kit de survie Covid-19 : outils pour entreprises en difficulté et procédures collectives
La crise sanitaire du Covid-19 a amené le législateur et le gouvernement français à adopter, dès le mois de mars 2020, différentes lois et ordonnances visant à soutenir les personnes physiques et morales face aux difficultés économiques, sociales et financières induites par cette crise.
L’accent est mis ici sur les outils spécifiques fournis aux entreprises et aux différents acteurs économiques et juridiques, dans le cadre de procédures préventives confidentielles (mandat ad hoc, conciliation) ou de procédures collectives officielles (sauvegarde, sauvegarde accélérée, sauvegarde financière accélérée, redressement judiciaire, liquidation judiciaire, liquidation judiciaire simplifiée).
Ne sont pas abordés ici les dispositifs de suspension de certaines actions (recouvrement de loyers de locaux commerciaux, résolution de contrat et autres pénalités), ni les mesures d’aide gouvernementales mises en place par ailleurs (PGE, fonds de solidarité, médiation du crédit, plan tourisme, chômage partiel, report ou exonération de charges etc.).
Les principaux aménagements apportés aux procédures préventives et collectives et décrits ci-après résultent des ordonnances n°2020–306 du 25 mars 2020, n°2020–341 du 27 mars 2020, n°2020–560 du 13 mai 2020, n°2020–596 du 20 mai 2020, n°2020–1443 du 25 novembre 2020, ainsi que de la loi n°2020–1525 du 7 décembre 2020 d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique (ASAP).
Au regard des mesures qui en découlent, on observe d’une certaine façon des « mouvements contraires » visant, tantôt à suspendre et prolonger certaines actions ou procédures (1), tantôt à les simplifier et les accélérer (2). De nouveaux outils ont également été ajoutés dans le kit de survie Covid-19 (3).
1. Suspension et prolongation
- Cristallisation de l’état de cessation des paiements au 12 mars 2020 : pour tout débiteur qui se trouvait en état de cessation des paiements à cette date, le délai de 45 jours de déclaration de cessation des paiements a été suspendu jusqu’au 23 août 2020 minuit, avant de commencer à courir. Ainsi un état de cessation des paiements apprécié au 12 mars 2020 a valablement pu faire l’objet d’une déclaration jusqu’au 7 octobre 2020.
- Prolongation des délais : les déclarations de créances, demandes en revendication ou demandes en relevé de forclusion qui auraient dû être accomplies entre le 12 mars et le 23 juin 2020, ont pu être valablement exécutées jusqu’au 23 août 2020 minuit.
- Prolongation de plein droit des périodes d’observation en cours sur la période du 12 mars au 23 juin 2020.
- Extension de la durée des conciliations jusqu’à 10 mois (au lieu des 5 mois maximum) : de plein droit pour les procédures ouvertes jusqu’au 23 août 2020 et sur décision motivée du président pour celles ouvertes du 24 août 2020 au 31 décembre 2021.
- Suspension forcée, pendant la conciliation, des actions et voies d’exécution d’un créancier récalcitrant : celle-ci peut être sollicitée par le président du tribunal jusqu’au 31 décembre 2021 pour toute procédure en cours. Le débiteur peut également solliciter des délais de grâce pour le paiement d’une créance exigible.
- Prolongation des plans en cours : différentes situations s’appliquent selon qu’il s’agisse du demandeur de la prolongation (ministère public ou commissaire à l’exécution du plan), de l’auteur de la décision (tribunal ou président du tribunal), de la durée de prolongation (3 mois, 5 mois, 1 an, 2 ans) ou de la période de prolongation (jusqu’au 23 juin, 23 août 2020, 23 février ou 31 décembre 2021).
2. Simplification et accélération
- Simplification d’accès à la sauvegarde accélérée (SA) ou sauvegarde financière accélérée (SFA) : les seuils applicables (3 Millions € de chiffre d’affaires hors taxes, 1,5 Millions d’euros de bilan total et 20 salariés) sont écartés pour les procédures ouvertes du 22 mai 2020 au 31 décembre 2021.
- Passerelle vers le redressement judiciaire (RJ) ou la liquidation judiciaire (LJ) en cas d’absence de plan arrêté dans les 3 mois d’ouverture d’une SA ou SFA, pour les procédures ouvertes du 22 mai 2020 au 31 décembre 2021.
- Elargissement de la liquidation judiciaire simplifiée (LJS) : le critère principal devient l’absence d’actif immobilier au bilan, peu importe le montant du chiffre d’affaires, ce pour les procédures ouvertes du 22 mai 2020 au 31 décembre 2021. Le tribunal conserve toutefois la possibilité d’ouvrir une LJ classique en cas de plus de 6 salariés.
- Simplification et assouplissement de l’adoption et modification des plans : le délai de consultation des créanciers individuels peut être réduit à 15 jours ; l’envoi des propositions de remboursement des créanciers ou la convocation des membres des comités peut se faire par tout moyen ; un passif « vraisemblable » peut être admis établi sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes. En cas de modification substantielle du plan, sa durée maximale peut être portée à 12 ans. Ces mesures sont applicables aux procédures jusqu’au 31 décembre 2021.
- Réduction du délai de radiation d’office au k‑bis des mentions relatives aux procédures de sauvegarde et redressement : ces mentions sont radiées d’office au bout d’un an (et non 2) d’exécution du plan. Ce dispositif est en vigueur jusqu’au 17 juillet 2021.
3. Nouveaux outils
- Renforcement du droit d’alerte du commissaire aux comptes : à côté du droit d’alerte de droit commun qui reste en vigueur, a été instaurée une procédure d’alerte renforcée jusqu’au 31 décembre 2021. Si le commissaire aux comptes estime qu’il y a urgence à prendre des mesures immédiates et que le dirigeant s’y refuse ou propose des mesures insuffisantes, il peut en informer le président du tribunal compétent par tout moyen et sans délai. Le commissaire aux comptes lui transmet alors toutes informations utiles sur la situation de l’entreprise, dès la première information faite au dirigeant puis à tout moment. Il peut également demander à être entendu par le président du tribunal à tout moment et est délié du secret professionnel vis-à-vis du tribunal.
- Elargissement du plan de cession au dirigeant / actionnaire : une dérogation à l’incompatibilité légale a été instaurée et était en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020. Cette cession pouvait être demandée par voie de requête par le débiteur lui-même ou l’administrateur judiciaire (et non plus uniquement par le ministère public). La condition principale était que la cession assure le maintien d’emplois et ne soit pas seulement l’occasion, pour le débiteur, d’effacer ses dettes et de réduire ses effectifs.
- Création d’un privilège de « post money » : à côté du privilège de « new money » existant pour les apports de trésorerie lors d’une conciliation, a été créé — jusqu’au 31 décembre 2021 — un privilège de « post money » pour la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Il bénéficie aux personnes consentant un nouvel apport de trésorerie pendant la période d’observation ou pour l’exécution du plan, visant à assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité.
Comme pour le privilège de new money, le privilège de post money ne peut faire l’objet de remises ou de délais si une autre procédure collective est ouverte postérieurement, sauf à ce que les créanciers concernés y consentent. Il n’est pas non plus octroyé pour les apports dans le cadre d’une augmentation de capital par les associés ou les actionnaires du débiteur.
Ce nouveau privilège de post money reste toutefois primé notamment par : le super-privilège de garantie des salaires (AGS), les frais de justice, le privilège de new money en conciliation, les créances salariales avancées par l’AGS, les sûretés immobilières.
Ainsi, les outils spécifiques mis à disposition pendant la crise sanitaire du Covid-19 sont un véritable kit de survie des débiteurs, qui met en exergue à certains égards le sacrifice des créanciers chirographaires.
Chaque outil doit être envisagé au regard de la situation propre de chaque entreprise ou créancier et des conditions particulières qui pourront être détaillées dans le cadre d’une consultation juridique personnalisée.
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