Réforme du droit des sûretés : caution et précautions
La réforme du droit des sûretés, initiée par la loi PACTE du 22 mai 2019, s’est matérialisée par l’ordonnance n°2021–1192 du 15 septembre 2021 et ses trois décrets d’application du 29 décembre 2021, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2022. Elle porte sur l’ensemble des sûretés personnelles et réelles (mobilières et immobilières).
L’accent est mis ici sur les modifications apportées à la sûreté personnelle qu’est le cautionnement, dont la loi PACTE avait fait le premier objectif de la réforme. Les dispositions relatives au cautionnement ont été centralisées dans le code civil et celles situées auparavant dans le code de la consommation, le code monétaire et financier et les autres lois, ont été abrogées.
Les nouvelles règles édictées incitent tant le créancier, le débiteur que la caution à davantage de vigilance aux différentes étapes du cautionnement.
Précautions rédactionnelles lors de la souscription
La mention à apposer par la caution personne physique quant à la portée de son engagement, est désormais exigée en présence de tous les créanciers, non seulement professionnels mais également profanes (art. 2297 c. civ.).
En outre, la simple mention d’une solidarité ne suffit plus : il faut également prévoir une renonciation expresse aux bénéfices de discussion et/ou de division (consistant à obliger le créancier à saisir d’abord le débiteur principal et/ou à diviser ses poursuites entre les autres cautions non solidaires), peu importe que le créancier soit professionnel ou profane.
Cela devrait aussi s’appliquer à la solidarité présumée en matière commerciale. D’ailleurs, à ce propos, la réforme de 2021 a précisé le critère objectif de la commercialité du cautionnement, au regard de la nature de la dette, peu importe que la caution soit commerçante ou non ou ait un intérêt patrimonial à l’opération.
Par ailleurs, le devoir de mise en garde en cas de disproportion manifeste de l’engagement de la caution s’impose désormais à tout créancier professionnel et non plus seulement aux établissements de crédit (art. 2299 c. civ.). Et une telle disproportion manifeste au moment de la souscription n’entraîne plus une décharge totale mais une réduction au montant auquel la caution pouvait s’engager à cette date (art. 2300 c. civ.).
Lors de l’appel de la caution en garantie
La réforme a supprimé la possibilité qui existait pour le créancier, en dépit de la disproportion manifeste au moment de l’engagement de la caution, d’appeler celle-ci en cas de retour à meilleure fortune lui permettant de payer.
En outre, la caution peut désormais opposer au créancier quasiment toutes les exceptions, y compris celles personnelles ou inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur, tels les vices de consentement (art. 2298 c. civ.) Cette évolution renforce le caractère accessoire de la caution mais il existe toutefois des limites dans les situations suivantes :
- Lorsque la caution savait que le débiteur n’avait pas la capacité de contracter, elle reste tenue de son engagement vis-à-vis du créancier (art. 2293 c. civ.). Ainsi, la protection est réservée à la caution de bonne foi.
- La caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur, tels que les délais de grâce. En effet, une caution est censée garantir l’insolvabilité du débiteur. Toutefois, il est possible de prévoir des dérogations expresses.
Lors du règlement par la caution
Le nouvel article 2319 du code civil prévoit que « La caution du solde d’un compte courant ou de dépôt ne peut plus être poursuivie cinq ans après la fin du cautionnement. ». Cette rédaction a tranché entre deux jurisprudences qui s’opposaient et elle fait déjà débat sur la nature de la prescription encourue, car :
- Seul est exigible le solde définitif lors de la clôture du compte. Par conséquent, si au moment de la fin du cautionnement le compte n’est pas clôturé, le créancier ne peut pas encore demander le règlement d’un solde provisoire et non exigible. Et si le compte est clôturé plus de 5 après la fin du cautionnement le créancier sera prescrit dans son action.
- A l’inverse, si la réforme avait décidé que le délai commençait à courir à compter de la clôture du compte courant, la caution pouvait être poursuivie des décennies après la fin du cautionnement.
Lors du recours de la caution contre le débiteur
Avant paiement : la réforme a supprimé la possibilité pour la caution d’agir contre le débiteur avant même d’avoir payé le créancier. En revanche, la caution peut désormais demander la constitution d’une sûreté judiciaire sur tout bien du débiteur et elle est présumée justifier de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement (2320 c. civ.). Il s’agit d’une dérogation à l’article L.511–1 du code des procédures civiles d’exécution, car ce sera au débiteur de prouver que les circonstances ne sont pas caractérisées. En outre, la caution peut désormais déclarer, même avant paiement, sa créance de recours personnel (art. L.622–34 du c. com.).
Après paiement : comme auparavant, la caution demeure déchue de son recours contre le débiteur lorsqu’elle a payé sans que celui-ci soit averti et qu’il a payé la dette une seconde fois. Mais la réforme supprime également le recours de la caution lorsque le débiteur avait les moyens de faire déclarer la dette éteinte et ce, quand bien même la caution aurait payé sur les poursuites du créancier (art. 2311 c. civ.). Toutefois, l’action de la caution en restitution contre le créancier est maintenue.
Par ailleurs, la décharge de la caution vis-à-vis du créancier est désormais subordonnée non plus au « fait » mais à la « faute » de ce dernier qui compromet le recours subrogatoire. En outre, la caution ne peut désormais plus reprocher au créancier son choix de mode de réalisation d’une sûreté (art. 2314 c. civ.).
Ainsi, la réforme semble donner l’avantage à la protection renforcée de la caution personne physique, au détriment de l’efficacité de la sûreté pour le créancier, un choix pas toujours justifié, notamment lorsque la caution est une personne avertie et que le créancier est non professionnel.
En parallèle de l’ordonnance n°2021–1192 du 15 septembre 2021 portant sur la réforme des sûretés, une ordonnance n°2021–1193 du même jour sur la transposition de la directive restructuration et insolvabilité, a également renforcé la protection de la caution en lui permettant notamment de se prévaloir des délais de grâce accordés par le juge au débiteur en procédure de conciliation (voir Transposition de la directive européenne « restructuration et insolvabilité » et Nouveaux outils pour entreprises en difficulté et procédures collectives).
CONTACTER MAÎTRE MOTTE
RENCONTRER MAÎTRE MOTTE
34 rue de Liège
75008 Paris — France
Métros Liège, Europe, Saint-Lazare
CONTACTER MAÎTRE MOTTE
RENCONTRER MAÎTRE MOTTE
34 rue de Liège
75008 Paris — France
Métros Liège, Europe, Saint-Lazare