Memento — Rupture d’une relation commerciale établie (art. L.442–1, II c. com)
Que vous soyez l’auteur ou la victime d’une rupture de relations commerciales, il existe un certain nombre de réflexes à avoir, afin de déterminer si la rupture est justifiée ou sanctionnable.
Précisons au préalable que ce memento traite exclusivement de la rupture d’une relation commerciale établie au sens de l’article L.442–1, II du code de commerce.
Il convient toutefois de garder à l’esprit que d’autres moyens peuvent être pris en compte sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle régi par le code civil, tels notamment : la nature du contrat (CDD ou CDI), la clause de résiliation, la faute du contractant, la force majeure, le préavis contractuel, la nullité du contrat.
Dans ces dernières hypothèses, le strict respect des dispositions contractuelles n’exclut pas qu’une partie voie néanmoins sa responsabilité délictuelle engagée, en raison du caractère brutal de la rupture d’une relation commerciale établie.
L’ordonnance n°2019–359 du 24 avril 2019, prise en application de la loi dite « EGalim » n°2018–938 du 30 octobre 2018, a modifié l’ancien article L.442–6, I, 5° du code de commerce précédemment applicable à la rupture d’une relation commerciale établie.
Il convient désormais de se référer au nouvel article L.442–1, II du code de commerce qui s’applique lorsque les conditions suivantes — quasiment inchangées — sont réunies :
Une relation « commerciale »
L’auteur de la rupture est « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». La victime est l’autre partie de cette relation commerciale.
Le statut juridique des parties importe peu, sous réserve de l’absence d’impossibilité statutaire d’exercer une activité commerciale.
Sont ainsi exclues les relations avec les consommateurs, les agents commerciaux ou celles relevant d’activités civiles (médicales, notariales etc.). Pour certaines professions, la définition relève toutefois d’une appréciation au cas par cas par les juges.
La relation peut être :
- contractuelle : la relation peut être régie par un ou plusieurs contrats (contrat simple, contrat-cadre, contrats d’application, y compris les annexes et éventuels avenants) ;
- non contractuelle : la relation est alors régie notamment par des conditions générales et/ou particulières de vente et d’achat, ou par une convention unique annuelle, biennale ou triennale (art. L.441–3 à L.441–7 c. com) — sous réserve de l’opposabilité de ces documents à la victime.
Le caractère « établi » de la relation commerciale
La qualification d’une relation « établie » relève également d’une appréciation des juges au cas par cas et dépend notamment des éléments suivants :
- durée : est généralement visée une relation suivie de plusieurs années. A l’inverse, une relation de quelques mois est exclue.
- stabilité : la relation ne doit pas être précaire, comme c’est le cas pour un contrat saisonnier isolé, l’absence d’accords-cadres ou de garanties données sur le chiffre d’affaires, le volume ou l’exclusivité. De même, dans le cadre d’un CDD sans tacite reconduction, les parties sont avisées dès l’origine de la date à laquelle prendront fin les relations commerciales.
- fréquence : la relation ne doit pas nécessairement être permanente et continue. Une succession de contrats ponctuels et saisonniers peut suffire à caractériser une relation commerciale établie, à condition qu’elle se soit exercée de manière régulière et ininterrompue pendant les années considérées.
La notion de « rupture »
La rupture peut être totale ou même seulement partielle, dès lors qu’elle est significative.
Il en est ainsi d’une modification substantielle des conditions de la relation (augmentation soudaine de tarifs, réduction substantielle du courant d’affaires).
La rupture doit être imputable à son auteur, c’est‑à dire résultant d’une stratégie volontaire (internalisation).
La jurisprudence estime en effet que dans certaines situations, les difficultés économiques sont une cause de non-imputabilité (répercussion d’une baisse d’activité, conséquence de la crise d’un secteur d’activité ou d’une crise économique et financière).
Une rupture « brutale »
Une rupture est considérée comme brutale lorsqu’elle est réalisée sans que le cocontractant ait pu bénéficier d’un préavis écrit suffisant lui permettant de réorganiser son activité. Le préavis peut être plus long que celui prévu au contrat et est déterminé au cas par cas, en fonction notamment de :
- la durée de la relation commerciale ;
- la position particulière des parties, telle une relation d’exclusivité ou la part importante que l’auteur de la rupture représente dans le chiffre d’affaires du contractant pouvant générer un abus de dépendance économique ;
- la durée minimale de préavis déterminée par des accords interprofessionnels, en fonction des usages du commerce ;
- certaines situations particulières prévues par la loi. Nota Bene : l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 a supprimé la condition selon laquelle la durée de préavis en cas de fourniture de produits sous marque de distributeur ou en cas d’enchères à distance devait être doublée.
Il convient de préciser que l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 a instauré un délai de « référence » de 18 mois qui, dès lors qu’il a été respecté par l’auteur de la rupture, devrait — en principe — le tenir indemne d’une action en responsabilité. Il existe en effet encore des incertitudes sur la possibilité de prévoir ou solliciter un préavis supérieur.
Par exception, une rupture sans préavis reste possible en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
Sanctions encourues
Dans le cadre des contentieux relevant de l’article L.442–1, II du code de commerce, c’est la brutalité de la rupture – et non la rupture elle-même – qui est indemnisée.
Par conséquent, la réparation couvre principalement le montant de la marge brute du cocontractant pour la durée du préavis qui lui aurait été nécessaire et qui n’a pas été respectée.
Ce memento vous est proposé à titre de premières bases de réflexions lorsque vous envisagez ou subissez la rupture d’une relation commerciale établie.
Il convient de préciser que les demandes judiciaires formées sur ce fondement relèvent de juridictions spécialisées dont la liste est établie par décret. Il existe par ailleurs des règles particulières régissant les relations commerciales dans lesquelles un des contractants est établi à l’étranger.
S’agissant de la crise sanitaire du Covid-19, elle peut être invoquée, au cas par cas au gré de la jurisprudence, soit sous l’angle de la non-imputabilité, soit sous l’angle de la force majeure.
De manière générale, chaque condition doit être appréhendée au regard des situations particulières déterminées par la jurisprudence et qui pourront vous être fournies dans le cadre d’une consultation juridique personnalisée.
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