Memento — Rupture d’une relation commerciale établie (art. L.442–1, II c. com)

Sep, 2020 | Droit com­mer­cial et des sociétés

Que vous soyez l’auteur ou la vic­time d’une rup­ture de rela­tions com­mer­ciales, il existe un cer­tain nombre de réflexes à avoir, afin de déter­mi­ner si la rup­ture est jus­ti­fiée ou sanctionnable.

Précisons au préa­lable que ce memen­to traite exclu­si­ve­ment de la rup­ture d’une rela­tion com­mer­ciale éta­blie au sens de l’article L.442–1, II du code de commerce.

Il convient tou­te­fois de gar­der à l’esprit que d’autres moyens peuvent être pris en compte sur le fon­de­ment du droit com­mun de la res­pon­sa­bi­li­té contrac­tuelle régi par le code civil, tels notam­ment : la nature du contrat (CDD ou CDI), la clause de rési­lia­tion, la faute du contrac­tant, la force majeure, le pré­avis contrac­tuel, la nul­li­té du contrat.

Dans ces der­nières hypo­thèses, le strict res­pect des dis­po­si­tions contrac­tuelles n’exclut pas qu’une par­tie voie néan­moins sa res­pon­sa­bi­li­té délic­tuelle enga­gée, en rai­son du carac­tère bru­tal de la rup­ture d’une rela­tion com­mer­ciale établie.

L’ordonnance n°2019–359 du 24 avril 2019, prise en appli­ca­tion de la loi dite « EGalim » n°2018–938 du 30 octobre 2018, a modi­fié l’ancien article L.442–6, I, 5° du code de com­merce pré­cé­dem­ment appli­cable à la rup­ture d’une rela­tion com­mer­ciale établie.

Il convient désor­mais de se réfé­rer au nou­vel article L.442–1, II du code de com­merce qui s’applique lorsque les condi­tions sui­vantes — qua­si­ment inchan­gées — sont réunies :

Une relation « commerciale »

L’auteur de la rup­ture est « toute per­sonne exer­çant des acti­vi­tés de pro­duc­tion, de dis­tri­bu­tion ou de ser­vices ». La vic­time est l’autre par­tie de cette rela­tion commerciale.

Le sta­tut juri­dique des par­ties importe peu, sous réserve de l’absence d’impossibilité sta­tu­taire d’exercer une acti­vi­té commerciale.

Sont ain­si exclues les rela­tions avec les consom­ma­teurs, les agents com­mer­ciaux ou celles rele­vant d’activités civiles (médi­cales, nota­riales etc.). Pour cer­taines pro­fes­sions, la défi­ni­tion relève tou­te­fois d’une appré­cia­tion au cas par cas par les juges.

La rela­tion peut être :

  • contrac­tuelle : la rela­tion peut être régie par un ou plu­sieurs contrats (contrat simple, contrat-cadre, contrats d’application, y com­pris les annexes et éven­tuels avenants) ;
  • non contrac­tuelle : la rela­tion est alors régie notam­ment par des condi­tions géné­rales et/ou par­ti­cu­lières de vente et d’achat, ou par une conven­tion unique annuelle, bien­nale ou trien­nale (art. L.441–3 à L.441–7 c. com) — sous réserve de l’opposabilité de ces docu­ments à la victime.

Le caractère « établi » de la relation commerciale

La qua­li­fi­ca­tion d’une rela­tion « éta­blie » relève éga­le­ment d’une appré­cia­tion des juges au cas par cas et dépend notam­ment des élé­ments suivants :

  • durée : est géné­ra­le­ment visée une rela­tion sui­vie de plu­sieurs années. A l’inverse, une rela­tion de quelques mois est exclue.
  • sta­bi­li­té : la rela­tion ne doit pas être pré­caire, comme c’est le cas pour un contrat sai­son­nier iso­lé, l’absence d’accords-cadres ou de garan­ties don­nées sur le chiffre d’affaires, le volume ou l’exclusivité. De même, dans le cadre d’un CDD sans tacite recon­duc­tion, les par­ties sont avi­sées dès l’origine de la date à laquelle pren­dront fin les rela­tions commerciales.
  • fré­quence : la rela­tion ne doit pas néces­sai­re­ment être per­ma­nente et conti­nue. Une suc­ces­sion de contrats ponc­tuels et sai­son­niers peut suf­fire à carac­té­ri­ser une rela­tion com­mer­ciale éta­blie, à condi­tion qu’elle se soit exer­cée de manière régu­lière et inin­ter­rom­pue pen­dant les années considérées.

La notion de « rupture »

La rup­ture peut être totale ou même seule­ment par­tielle, dès lors qu’elle est significative.

Il en est ain­si d’une modi­fi­ca­tion sub­stan­tielle des condi­tions de la rela­tion (aug­men­ta­tion sou­daine de tarifs, réduc­tion sub­stan­tielle du cou­rant d’affaires).

La rup­ture doit être impu­table à son auteur, c’est‑à dire résul­tant d’une stra­té­gie volon­taire (inter­na­li­sa­tion).

La juris­pru­dence estime en effet que dans cer­taines situa­tions, les dif­fi­cul­tés éco­no­miques sont une cause de non-imputabilité (réper­cus­sion d’une baisse d’activité, consé­quence de la crise d’un sec­teur d’activité ou d’une crise éco­no­mique et financière).

Une rupture « brutale »

Une rup­ture est consi­dé­rée comme bru­tale lors­qu’elle est réa­li­sée sans que le cocon­trac­tant ait pu béné­fi­cier d’un pré­avis écrit suf­fi­sant lui per­met­tant de réor­ga­ni­ser son acti­vi­té. Le pré­avis peut être plus long que celui pré­vu au contrat et est déter­mi­né au cas par cas, en fonc­tion notam­ment de :

  • la durée de la rela­tion commerciale ;
  • la posi­tion par­ti­cu­lière des par­ties, telle une rela­tion d’exclu­si­vi­té ou la part impor­tante que l’auteur de la rup­ture repré­sente dans le chiffre d’affaires du contrac­tant pou­vant géné­rer un abus de dépen­dance éco­no­mique ;
  • la durée mini­male de pré­avis déter­mi­née par des accords inter­pro­fes­sion­nels, en fonc­tion des usages du commerce ;
  • cer­taines situa­tions par­ti­cu­lières pré­vues par la loi. Nota Bene : l’or­don­nance n° 2019-359 du 24 avril 2019 a sup­pri­mé la condi­tion selon laquelle la durée de pré­avis en cas de four­ni­ture de pro­duits sous marque de dis­tri­bu­teur ou en cas d’en­chères à dis­tance devait être doublée.

Il convient de pré­ci­ser que l’or­don­nance n° 2019-359 du 24 avril 2019 a ins­tau­ré un délai de « réfé­rence » de 18 mois qui, dès lors qu’il a été res­pec­té par l’auteur de la rup­ture, devrait — en prin­cipe — le tenir indemne d’une action en res­pon­sa­bi­li­té. Il existe en effet encore des incer­ti­tudes sur la pos­si­bi­li­té de pré­voir ou sol­li­ci­ter un pré­avis supérieur.

Par excep­tion, une rup­ture sans pré­avis reste pos­sible en cas d’inexé­cu­tion par l’autre par­tie de ses obli­ga­tions ou en cas de force majeure.

Sanctions encourues

Dans le cadre des conten­tieux rele­vant de l’article L.442–1, II du code de com­merce, c’est la bru­ta­li­té de la rup­ture – et non la rup­ture elle-même – qui est indemnisée.

Par consé­quent, la répa­ra­tion couvre prin­ci­pa­le­ment le mon­tant de la marge brute du cocon­trac­tant pour la durée du pré­avis qui lui aurait été néces­saire et qui n’a pas été res­pec­tée.

Ce memen­to vous est pro­po­sé à titre de pre­mières bases de réflexions lorsque vous envi­sa­gez ou subis­sez la rup­ture d’une rela­tion com­mer­ciale établie.

Il convient de pré­ci­ser que les demandes judi­ciaires for­mées sur ce fon­de­ment relèvent de juri­dic­tions spé­cia­li­sées dont la liste est éta­blie par décret. Il existe par ailleurs des règles par­ti­cu­lières régis­sant les rela­tions com­mer­ciales dans les­quelles un des contrac­tants est éta­bli à l’étranger.

S’agissant de la crise sani­taire du Covid-19, elle peut être invo­quée, au cas par cas au gré de la juris­pru­dence, soit sous l’angle de la non-imputabilité, soit sous l’angle de la force majeure.

De manière géné­rale, chaque condi­tion doit être appré­hen­dée au regard des situa­tions par­ti­cu­lières déter­mi­nées par la juris­pru­dence et qui pour­ront vous être four­nies dans le cadre d’une consul­ta­tion juri­dique personnalisée.

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